La diplomatie du basket-ball

C'est officiel, Dennis Rodman, ancienne gloire du basket-ball américain et trois fois champion NBA avec les célèbres Chicago Bulls de Michael Jordan [1], va entraîner l'équipe nationale de la Corée du Nord [2]. Dans le même temps, le nouveau sélectionneur annonçait que deux rencontres auraient lieu au début du mois de janvier entre des joueurs nord-coréens et américains [3]. L'objectif - quelque peu ambitieux - annoncé est la participation aux prochains Jeux Olympiques, à Rio en 2016.

Toutes proportions gardées, cela rappelle l'époque où la délégation américaine s'était rendue au Japon à l'occasion des championnats du monde de ping-pong en 1971. La rencontre entre des joueurs américains et chinois - notamment une partie tardive entre Glenn Gowan et Zhuang Zedong qui se termina par le raccompagnement de l'Américain dans le car de la délégation chinoise et l'échange de cadeaux [4] - favorisa, à l'époque, un rapprochement entre les deux nations tant et si bien que les Américains furent invités quelques jours plus tard en Chine. Une première depuis 1949.

L'actuel leader du pays le plus fermé du monde, Kim Jong-un, serait, d'après les informations fragmentaires dont on dispose, un grand amateur de basket-ball et plus particulièrement du championnat nord-américain [5]. Il semblerait donc assez probable que le chef suprême de la République Populaire Démocratique de Corée - sous l'influence de Beijing - s'inspire de cette fameuse histoire pour se rapprocher des Américains après l'escalade de menaces qui ont été proférées au cours des derniers mois dans la péninsule. Entre temps, il aura compris que l'utilisation de l'arme nucléaire, que semble détenir Pyongyang, constituerait un suicide et la perte de son pouvoir.

Cette politique de détente est aussi à l'ordre du jour avec le voisin du Sud puisque la réouverture site de Kaesong, à la frontière des deux pays, a été annoncée dans la foulée [6]. Le signe que le régime de Pyongyang veut détendre ses relations diplomatiques avec les pays occidentaux, et notamment celles avec Washington. L'hiver approchant, la nourriture se raréfie et il ne fait aucun doute que le besoin de l'aide extérieure commence à se faire sentir dans la population affamée. Il faut, à cette occasion rappeler, que depuis la chute brutale de l'Union Soviétique en 1991, Pyongyang ne dispose plus des immenses moyens et ressources du monde communiste. Sans l'aide humanitaire internationale dont le pays bénéficie aujourd'hui, des millions de gens seraient condamnés à la famine [7].

Bien que la décision de Dennis Rodman soit critiquable d'un point de vue morale - le régime nord-coréen n'est pas réputé pour respecter les droits de l'homme [8] - et qu'elle s'accompagne d'une probable forte rémunération de l'ancien joueur [9], il est à espérer que les deux matches de prévu entre les deux pays soient l'occasion d'un rapprochement symbolique, synonyme d'un rapprochement diplomatique dans un proche avenir. Plus que tout, les occidentaux doivent y voir une chance d'infléchir la position de Pyongyang, avec à terme, espérons-le la chute de cet état totalitaire [10]. Une chance qui ne se représentera peut-être pas de sitôt...

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[1] Trois titres obtenus entre 1996 et 1998.
[2] L'information est consultable sue le site du journal Le Figaro à ce lien.
[3] Scottie Pippen et Karl Malone, anciens stars de la NBA, seraient attendus...
[4] Connue sous le nom de "Diplomatie du ping-pong", elle déboucha sur la reconnaissance de la Chine communiste par le président Nixon en 1972.
[5] Il aurait découvert ce sport pendant ses études en Suisse.
[6]  La nouvelle a été rendue publique par Radio France International et est disponible à ce lien.
[7] L'aide n'est d'ailleurs pas suffisante.
[8] Rappelons du destin du sélectionneur de l'équipe de football lors de la Coupe du Monde 2010.
[9] Dennis Rodman serait, selon la rumeur, ruiné.
[10] Je rappelle que des camps de travail existent encore dans le pays. Des milliers de personnes y seraient détenus.

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