Gaspillage philharmonique

Annoncée en grande pompe en 2006 par le ministre de la culture de l'époque, Renaud Donnedieu de Vabres, en présence du maire de Paris Bertrand Delanoë, la Philharmonie de Paris est une salle de spectacle, pouvant accueillir quelques 2400 spectateurs. Une fois achevée, elle accueillera des récitals de musique de chambre ou de jazz, avec la volonté affichée, de restituer un son de haute qualité. Loi oblige, le bâtiment devra aussi être certifié "haute qualité environnementale" [1].

Rapidement, un appel d'offres est lancé et plusieurs cabinets d'architectes - qui savent flairer les bons coups - y répondent. Six sont retenus dans un premier temps, avant que le projet de Jean Nouvel, réputé mondialement, ne soit choisi finalement en avril 2007 [2]. Votée, la Philharmonie prévoit un financement à part égale entre le ministère de la culture et la Mairie de Paris, le conseil régional d'Île de France venant compléter le tout à hauteur de 10%. Au total, ce sont 204 millions d'euros qui devront être déboursés pour le bonheur auditif des Parisiens.

Sept années se sont écoulées depuis. Après un arrêt de près d'un an à cause un désaccord entre l'état et les collectivités territoriales sur le financement, la fin de construction de l'ouvrage est attendue pour cette année, l'inauguration devant intervenir en janvier 2015. Et le budget, me demanderez-vous, il a été respecté ? Pas vraiment. Officiellement, le coût a glissé copieusement pour atteindre la somme de 336 millions d'euros. D'après le directeur de la salle, Laurent Bayle on pourrait même avoir à payer une note de 381 millions d'euros [3]. Et quand on veut comprendre ce qui a provoqué une telle hausse, on évoque, tour à tout, de mauvaises estimations initiales ainsi que la "folie des grandeurs" du cabinet de Jean Nouvel qui a, par exemple, demandé 15 millions supplémentaires pour des façades VEC, autrement dit une grande baie vitrée ! Mais on peut aussi mettre en cause la sous-estimation qui entoure, très souvent - trop dirons certains - ce genre de projets, uniquement pour ne pas affoler le contribuable. De toute façon il sera bien obligé de payer quand il recevra la facture.

Outre, ces débordements de budget répétitifs, qui ont provoqué une hausse de plus de 50% depuis le projet initial et qui devrait encore augmenter de 50 millions, la mairie de Paris a usé d'un petit montage financier - tout à fait légal au demeurant - afin d'éviter d'alourdir sa propre comptabilité. Concrètement, c'est la Philharmonie qui s'endette elle-même et la mairie de Paris rembourse, indirectement, le prêt en versant une subvention à la direction de la salle de spectacle. Résultat, le taux d'emprunt passe de 4.2% - si il était souscrit par la mairie - à presque 5.2%, soit au total 75 millions d'euros d'intérêts pour un capital de 152 millions. Ainsi alourdie pour cacher aux Parisiens la vérité, il n'en demeure pas moins que ce sont eux qui devront payer l'addition au final.

Alertés par cela, l'actuelle ministre de la culture Aurélie Filippetti et le maire sortant de la ville de Paris ont adressé une lettre à Laurent Bayle [4], s'inquiétant de la tournure des événements ce qui pourrait pénaliser le mandat de la majorité et affecter la campagne d'Anne Hidalgo. D'autant que cette dernière compte poursuivre la gabegie entamée par Bertrand Delanoë en proposant l'aménagement de l'actuelle avenue Foch [5]. Encore des dépenses en perspective.

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[1] Ce "label" comprend des règles strictes concernant le chauffage, l'eau ou encore la sonorisation.
[2] Pour l'occasion, les Ateliers Jean Nouvel se sont associés avec des acousticiens réputés, afin de garantir un rendu optimum.
[3] D'après les chiffres du journal Le Point disponibles à ce lien.
[4] Egalement disponible sur le site du journal Le Point.
[5] De nombreux articles sur le sujet sont disponibles, par exemple à ce lien.

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