J'évoquais la semaine dernière la consécration du groupe Daft Punk à la cérémonie des Grammy Awards. Pourtant le secteur musical s'affaiblit d'année en année depuis plus d'une décennie maintenant : les ventes de disques s'effondrent et rien ne parait pouvoir enrayer cette tendance, y compris les succès de Stromae [1].
Partant de ce constat, la ministre de la culture Aurélie Filippetti - qui, je le rappelle, essayait la semaine dernière de récupérer quelques feuilles de la couronne de lauriers que venait de recevoir Daft Punk - ne pouvait décemment pas rester sans rien faire. Cédant aux appels du pied des maisons de disques, la ministre a fini par sortir de sa réserve, afin de proposer l'ultime solution qui résoudra le problème une bonne fois pour toutes. Elle et son cabinet ont donc phosphoré pour dénicher de nouveaux modes de financement public, destinés à soutenir l'industrie musical. Plus qu'une idée, cette option est en passe de devenir une réalité.
Dans un premier temps, les éminences grises de la rue de Valois [2] avaient pensé réorienter une partie de l'argent public du cinéma ou de la télévision au secteur musical en crise, mais étant donné que ces deux branches ne sont pas, non plus, en bonne santé, cette proposition est retournée dans les cartons du ministère. La deuxième solution, portée par Mme Filippetti [3] en fin d'année dernière, qui consistait à créer une nouvelle taxe sur les terminaux connectés - box et autres smartphones - avait, on s'en souvient, été recalée dans un contexte fiscal plus que tendu étant donné le nombre de nouveaux impôts que le gouvernement venait déjà d'instaurer pour boucler - difficilement - son budget [4]. Il fallait donc trouver d'urgence une idée pour contenter tout le monde.
Hier donc, alors qu'elle donnait une discours au Midem devant les principaux représentants de l'industrie musicale, la ministre a proposé cette fois-ci d'aider le secteur en "élargissant l'assiette des taxes déjà existantes". Lumineux, brillant même. Plus fort encore, Aurélie Filippetti a ensuite ajouté qu'une telle mesure "n'est pas du tout contradictoire avec l'idée générale d'une baisse de la pression fiscale. Ce sont des taxes affectées, ce ne sont pas de nouveaux impôts, ça fait partie de l'exception culturelle que le président de la République a défendue à Bruxelles" [5]. Cherchez l'erreur : on élargit l'assiette, mais on n'augmente pas la pression fiscale.
L'exception culturelle française. Voilà le mot est lâché. Pour justifier toujours plus de prélèvements pour financer la culture, notre ministre vient tout de suite s'abriter derrière ce bouclier. C'est tellement pratique. Si encore cette exception tenait à peu près debout toute seule, on pourrait se dire que cela en vaut le coup. Mais elle est tellement moribonde qu'ajouter une perfusion d'argent public supplémentaire ne fera que retarder l'inévitable, à savoir une nécessaire restructuration de ce secteur, qui représente tout de même plus de 3% du PIB du pays [6], et de son mode de financement.
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[1] D'après les chiffres publiés aujourd'hui et relayées par le journal Le Parisien. Ils sont disponibles à ce lien.
[2] Le siège du ministère de la culture et de la communication.
[3] Piochée dans le rapport de Pierre Lescure.
[4] Information du journal Le Monde disponible à ce lien.
[5] D'après une information du journal Les Echos disponible à ce lien.
[6] D'après les chiffres officiels.
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