Le Québec, cet Eldorado

Trois années. C'est le temps que j'ai passé au Québec - et plus particulièrement à Montréal - avant de revenir, à la fin de l'année dernière, terminer ma thèse en France. Et quand les gens me demandent ce que je veux faire après, je leur dis, sans hésitation aucune, que je souhaite ardemment repartir là-bas pour y travailler.

A l'époque où je suis parti au cours de l'été 2010, j'avais déjà remarqué que le nombre de Français qui souhaitaient venir pour leur études ou pour trouver un travail était déjà élevé. Mais ce n'était rien en comparaison de la situation trois années plus tard [1] . Au moment de mon retour, j'avais déjà entendu que les fameux PVT - Permis de Vacances et de Travail - s'arrachaient comme des petits pains et que certains prenaient le risque de rester après l'expiration de celui-ci, devenant par conséquent des clandestins. Ces titres de séjour, d'une durée d'un an, n'offrent pas beaucoup de possibilités, mais vous permettent - assez facilement - de décrocher un job. Les emplois plus qualifiants - comme par exemple des postes d'ingénieurs chez Bombardier, Pratt et Whitney, Hydro Québec ou encore Rolls Royce [2]- nécessitent l'obtention du statut de résidence permanente, une procédure longue et onéreuse.

Et encore, certains professions ont des difficultés à s'implanter sur le sol québécois, du fait de difficultés de reconnaissance de diplômes. Ainsi, j'ai souvenir d'avoir discuté avec un médecin qui me disait qu'il avait préféré partir pour les Etats-Unis, car les contraintes pour s'installer au Québec étaient trop grandes. Pour assouplir la situation, le Québec et la France ont signé des ARM - Accord de Reconnaissance Mutuelle - qui permettent sous certaines conditions d'établir des équivalences de diplômes et de prendre en compte l'expérience professionnelle déjà acquise dans le pays d'origine. Le dernier ARM en date a été signé hier par Jean-François Lisée, le ministre québécois des Relations internationales, et Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée chargée des Français de l'étranger et concerne les infirmiers ou infirmières, dont la profession sera mieux reconnue et donc mieux rémunérée [3].

A cet occasion, notre ministre a déclaré que cet accord était "gagnant-gagnant", en d'autres termes que cela faciliterait à la fois le départ des Français qui le souhaitent vers la Belle Province et la venue de Québécois vers la France. De son côté, M. Lisée s'est également réjoui de ce protocole, anticipant très justement, le départ en retraite des baby-boomers dans les années à venir.

Loin de moi l'idée de critiquer ces ententes bilatérales, qui facilitent grandement les mouvements migratoires, mais je ne peux m'empêcher de penser que ces échanges ne se feront que dans le seul sens France-Québec pour notre plus grand malheur puisque le manque de personnel médical se fait déjà sentir en France. Qui plus est, je n'ai pas vraiment l'impression que les Québécois, que je connais ou que j'ai rencontrés, aient envie de venir en France, surtout depuis qu'ils connaissent le marasme économique que nous traversons. Cela ne les enthousiasme guère. Là-bas, notre réputation nous précède : nous sommes désespérés quand eux sont optimistes et vont de l'avant [4]. C'est peut-être pour cela que ce bout de Canada attire tant les jeunes Français, déçus par la vie en France et rêvant de quelque chose de meilleur. L'Eldorado à sept heures d'avion de Paris.

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[1] Je parle ici de mon propre domaine.
[2] A Montréal, pour une population de 1.7 millions d'habitants - un peu plus le double si on prend en compte la grande agglomération - le ministère des Affaires étrangères français estime qu'il y a environ 100 000 Français d'installés. Sur les dix dernières années, environ 30 000 sont venus s'installer Québec, sans compter les étudiants ou les PVTistes qui sont là pour des durées limitées.
[3] Information relayée par Le Nouvel Observateur et disponible à ce lien.
[4] Même si la région a aussi ses problèmes.

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