Mission to Mars

Il y a quelques jours, la société hollandaise, Mars One [1] proposait d’envoyer 24 volontaires en direction de la planète rouge à l’horizon 2022 [2]. Chose originale, ces volontaires s’engagent à ne pas revenir sur Terre [3]. Ils devront donc se débrouiller, seuls, une fois arrivés sur cette planète peu propice à la vie humaine, les températures y variant entre 0 et 90°C pendant la journée.

La raison à cela ? Le prix. Sans ticket de retour, le voyage coûterait, 6 milliards de dollars par personne selon Mars One, qui espère ainsi faire de substantielles économies. Et l’argent est bien le point crucial de ces voyages interplanétaires, bien plus que la technologie déjà connue et éprouvée ou en passe de l’être.

Par comparaison, le programme équivalent de la NASA (baptisé Constellation) prévoyait un budget de 230 milliards de dollars jusqu’à 2020 pour mener à bien le retour sur la Lune avant d’envisager la conquête martienne [4]. Initié par le président Bush, un an après la catastrophe de la navette spatiale Columbia, ce programme visait à réorienter la totalité des fonds de la NASA en abandonnant la navette spatiale ainsi que la contribution à l’ISS, ce qui ne manqua pas de froisser les autres contributeurs, Europe en tête. Cinq ans plus tard, la nouvelle administration Obama chargea la commission Augustine [5] d’évaluer l’avancée du projet. Elle recommanda dans son rapport l’arrêt du programme, pointant un manque de 3 milliards de dollars annuels pour atteindre les objectifs… Crise oblige, le programme Constellation fut donc annulé par le président au début de l’année 2010. Il n’en sera conservé que la capsule Orion, dont la conception avait été confiée à Lockheed Martin… Cependant la même commission suggéra de conserver les objectifs d’exploration humaine de l’espace, avec un planning beaucoup moins contraignant…

Ce défunt programme nous rappelle, toutes proportions gardées, les célèbres missions Apollo qui en 1969, en pleine guerre froide, avaient permis aux Américains d’être les premiers à poser le pied sur la Lune, alors même que les Russes, dominateurs à une époque, commençaient à empiler les échecs. Le projet Apollo aura au final coûté 135 milliards de dollars au contribuable américain [6]. Passé l’exploit d’y être allé et d’en être revenu, d’avoir permis à Hollywood d’en faire un film [7], le bilan de ce programme est quelque peu contrasté. Hormis la curiosité scientifique (380 kg de cailloux ramenés tout de même) et la victoire idéologique sur l’URSS, on ne peut pas dire qu’il y ait eu des retombées majeures pour le commun des mortels [8]. D’ailleurs, la récession économique du début des années 70, associée à l’engagement américain au Vietnam ont condamné, prématurément le programme, les trois dernières missions ayant été annulées par le Congrès [9]…

En sera-t-il de même pour Mars ? Il est permis de le croire. Actuellement, la NASA est la seule agence, publique, à continuer d’explorer la planète rouge, recherchant, désespérément, des traces passées ou présentes de vie. Et rien d’autre… Enfin officiellement. La seule raison qui pourrait pousser le déblocage de crédits publics ou privés pour une exploration humaine, serait la découverte, bien opportune, d’un quelconque minerai en forte abondance [10] ou bien d’énergies fossiles dont on sait qu’elles ont pour origine l’action d’organismes vivants… C’est d’ailleurs l’objectif annoncé du rover Curiosity, arrivé sur place à l’été 2012. Cette mission non habitée, la plus chère de l’histoire de l’agence, aura coûté près de 2.5 milliards de dollars, soit environ 1/8ème de son budget annuel… Si aucun résultat probant n’est récolté, elle sera très probablement la dernière d’importance de l’agence américaine avant que ne soit coupé l’argent de manière définitive [11].

Autant dire que pour la NASA, l’exploration humaine de Mars est repoussée aux calendes grecques. Voyant les déboires américains, des pays comme la Chine, ont affiché leurs prétentions. Mais ces annonces restent vagues et sont parfois assez loufoques [12]. Quant à l’Europe, elle reste étonnement muette sur la question… Et les quelques sociétés privées du domaine spatial ne s’y sont pas trompées. Elles préfèrent rester sagement dans les environs de l’orbite terrestre, ayant bien compris que l’avenir proche n’était pas dans l’exploration spatiale habitée ou dans la construction de mécanos géants tels que la station spatiale [13] mais bel et bien dans la fourniture de services pour notre propre planète : satellites météorologiques (bien utiles pour l’agriculture ou pour prévenir d’éventuels catastrophes naturelles), satellites de communications ou de géolocalisation (GPS, Galileo). Par ailleurs elles n’engageront pas les fonds nécessaires pour un tel voyage, sans une raison valable de poser le pied sur le sol martien…

La concrétisation de l’aventure martienne demandera, de toute façon, de meilleures conditions économiques ainsi qu’une véritable raison autre que le tourisme spatial aux frais du contribuable ou la satisfaction des ambitions de nos politiques. Si d’aventure l’homme va sur Mars, ce sera sûrement parce qu’il y trouvera quelque chose à y faire. Sinon, il n’ira pas. Toutes les actions de l’homme ne sont, bien sûr, par mues uniquement par le seul intérêt économique. Mais quand de telles sommes sont demandées, il y regarde à deux fois avant de se lancer.

Nous - ou nos descendants - ne sommes donc pas prêts de voir la bannière étoilée (ou celle d’un autre pays d’ailleurs), flotter sur nos écrans 3D.

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[1] Cette société est à but non lucratif. Elle est soutenue par le Prix Nobel de physique 1999, Gerard’t Hooft.
[2] Les Echos du 22 avril 2013 : « Mars One », le programme de téléréalité en direct de Mars.
[3] En abordant ce sujet, une histoire m’est revenue, celle du navigateur Hernán Cortés. En atteignant le nouveau monde, au début du XVIème siècle, ce dernier décida, avec ses capitaines, de détruire ses navires afin de motiver ses hommes qui n’ayant pas de chances à court terme de rentrer en Europe devaient nécessairement coopérer pour survivre.
[4] Hors glissement dus à d’éventuels retards ou problèmes d’ordre techniques. Pour le programme navette spatiale, par exemple, le budget fut dépassé de plus de 50% des sommes initialement engagées.
[5] Du nom de son président Norman Augustine, ancien PDG de Lockheed Martin.
[6] En valeur corrigée de 2005.
[7] Le célèbre Apollo 13, sorti en 1995, avec Tom Hanks.
[8] J’exagère un peu. La seule véritable retombée, de mon point de vue, a été la capacité nouvelle à l’époque d’organiser de grands projets. Cependant cette capacité existe bel et bien sans intervention de l’état, non ?
[9] Apollo 20 fut la première à être annulée en janvier 1970. Apollo 18 et 19 suivirent en septembre de la même année.
[10] Comme dans le film Avatar de James Cameron. Les humains colonisent la planète pour extraire un minerai fictif, l’unobtainium, qui sert de source d’énergie.
[11] Le nombre de missions futures a été fortement réduit et il n’en est prévu que deux pour la décennie à venir.
[12] La Chine qui veut aller planter des choux là-bas… Rouges cela va de soi.
[13] Le coût de ce projet international, financé par une dizaine de pays avoisine des montants sensiblement similaires au programme Apollo. Un peu cher, donc, pour aller jouer avec des éprouvettes alors que ces expériences pourraient être conduites sur Terre, dans des laboratoires reproduisant les conditions de l'apesanteur...

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