Dividendes ou investissements ?

Le mois dernier, Alternatives Economiques publiait un article [1] dans lequel son auteur, Christian Chavagneux reprochait aux entreprises - notamment celles du CAC40 - de distribuer préférentiellement leurs bénéfices en dividendes. Sur l'année 2013, alors que les profits ressortent en baisse de 8% à 48 milliards d'euros, M. Cahvagneux montre que près de 85% de cette richesse part en dividendes au lieu d'être réinvestis par les actionnaires. Il note - et on peut vraisemblablement le croire - que cette proportion est en constante augmentation depuis les années 80 où cette rémunération de dividendes s'établissait entre 30 et 40% environ. Les dividendes représentent aujourd'hui 2.6 fois plus que les investissement alors que ce n'était que la moitié en 1980.

Conséquence de cette situation, l'appareil productif français est dans un état de sous-investissement depuis des décennies si on le compare à d'autres pays de niveaux économiques équivalents. Le diagnostic est sans appel : sans un revirement de la situation, l'écart avec nos concurrents directs continuera à s'accroître inexorablement.

Mais si l'article pointe les graves lacunes dans le domaine, il ne prend pas le temps d'expliquer pourquoi on en est arriver à un tel déséquilibre entre la rémunération légitime - même si certains diront le contraire - des actionnaires qui, prennent le risque initial, et les investissements nécessaires au développement et à la pérennité de l'entreprise. Il faut donc se poser la question : que s'est-il passé dans le pays depuis les années 80 pour que le centre de gravité des profits se déplace à ce point des investissements vers les dividendes ?

Plusieurs choses. D'une part, depuis cette période, la fiscalité sur les entreprises n'a cessé d'évoluer, revirant continuellement au gré des changements de majorités parlementaires [2]. Tantôt contraignante, tantôt un peu plus avantageuse, cette dernière n'a cessé de se densifier et de renforcer, notamment au niveau des charges salariales, même si l'impôt sur les sociétés a globalement diminué. Cette instabilité fiscale est donc loin de favoriser l'investissement. De fait, les éventuels actionnaires préfèrent récupérer leur mise de départ sous forme de dividende quitte à payer des impôts sur les revenus et le capital - l'ISF ou la CSG par exemple - : au moins, de cette manière, ils limitent les désagréments qu'ils auraient pu avoir en réinvestissant leur argent. Autrement dit, le jeu n'en vaut pas la chandelle.

D'autre part, des réglementations de toutes sortes se sont multipliées dans l'intervalle de temps, à la fois sur le marché du travail - on pense à la fameuse limite des 50 salariés par exemple - ou sur le fonctionnement même des entreprises - contrôles divers et variés, multiplication des procédures. Ajouté à ce que je viens de dire, cela n'incite pas prendre des risques nouveaux dans une entreprise, ou, tout du moins pas en France, dans les conditions telles qu'elles existent. D'autant plus que là encore, le législateur joue ne cesse de modifier les règles du jeu. Limiter l'innovation du fait de l'existence du principe de précaution, truffer les lois de garde-fous divers et variés afin de mettre un terme définitif à la fameuse concurrence déloyale, tout cela complique sérieusement la vie des entreprises depuis des années. Et l'arrivée d'une nouvelle équipe gouvernementale - même animée des meilleures intentions - ne rassure pas plus les chefs d'entreprise.

Découragé par toute cela, notre tissu entrepreneurial n'investit plus, innove moins et restreint, par conséquent, sa production de richesses et par la même, sa création d'emplois. Le soutien que devrait lui apporter l'état pour favoriser son expansion et sa conquête de nouveaux marchés est quasi inexistant. Un comble alors que sans lui, tout rebondissement de l'activité économique du pays est impossible. Pendant que nos dirigeants palabrent et ne cessent de s'agiter comme des cabris en annonçant des mesures mortes dans l’œuf, David Cameron, le Premier Ministre britannique, vient d'envoyer une lettre d'encouragement aux entrepreneurs de son pays [3]. Un état d'esprit bien différent du nôtre mais qui a permis au Royaume-Uni - même s'il reste aux abois au niveau budgétaire - de retrouver le chemin de la croissance [4], condition indispensable pour que le chômage et la pauvreté régressent.

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[1] Que le lecteur pourra consulter au lien suivant.
[2] On se souvient encore de cette lubie de taxation de l'EBE.
[2] Une lettre qu'a reçu Gaspard Koenig et que vous pouvez découvrir à ce lien.
[3] La plus élevée des pays développés pour cette année.

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