La semaine dernière avait lieu la célèbre Fête de l'Huma, le fameux rassemblement des militants et sympathisants communistes, au Parc de la Courneuve [1]. Organisée, comme chaque année, par le quotidien du même nom et créé par Jean Jaurès en 1904, cet événement est l'occasion de tables rondes, de débats d'idées, mais aussi de spectacles musicaux. Depuis sa création en 1930, la Fête de l'Huma a ainsi accueilli de nombreux artistes français, mais aussi internationaux, parmi lesquels Pink Floyd (1970), The Who (1972), ou encore Genesis (1978) [2], contribuant à les populariser auprès du public français. Il faut dire que la scène, d'une grande capacité, permet d’accueillir presque 100 000 spectateurs pour un prix modique [3], ce qui suscite l'intérêt des fans.
Cette année, quelques semaines après avoir célébré le centenaire de l'assassinat de Jean Jaurès - tué à l'aube de la Première Guerre Mondiale - cette édition revêtait un caractère bien particulier, presque symbolique. En effet, l'homme, figure du socialo-communisme en France, aurait certainement eu son mot à dire, au moment même où les politiques s’interrogent sur la place de l'état dans l'économie ou sur l'orientation à donner au modèle social, enjeux cruciaux pour l'avenir.
De cette édition, la presse n'a pourtant retenu que l'apparition de Jean-Luc Mélenchon, candidat représentant des communistes à la dernière présidentielle, qui était accompagné de Jérôme Kerviel, ancien trader à la Société Générale. Cette association, pour le moins hétéroclite, n'a pas manqué de faire réagir, certains ne comprenant pas ce que Kerviel, incarnation de la fameuse "finance folle", faisait à la fête des prolétaires. L'homme politique s'est alors empressé de leur répondre, en défendant le trader, n'hésitant pas à le comparer à Alfred Dreyfus, un officier accusé injustement d'intelligence avec l'ennemi à la fin du XIXème siècle et que Jaurès avait soutenu [4]. De là à se prendre pour lui, il n'y a qu'un pas.
Hormis les photos de quelques anonymes et politiques tenant dans leurs mains des pancartes sur lesquelles on pouvait lire "Ma gauche à moi, elle..." compléter les points de suspension [5], un autre petit élément a attiré mon attention : la tête d'affiche de la programmation musicale, en l'occurrence le groupe de hard rock allemand Scorpions.
Programmation musicale de la Fête de l'Huma 2014 (source : site officiel)
Pour ceux d'entre qui seraient un peu trop jeune, sachez que ce groupe a écrit une chanson en 1990 intitulée Wind of Change, c'est-à-dire, traduit littéralement, "Vent de Changement". Sortie à une époque où les pays de l'est, et notamment la RDA, se libère du joug communiste - la chute du mur est intervenue peu de temps avant -, cette chanson est devenue l'hymne de la réunification allemande ainsi qu'un appel à la liberté. Elle annonce aussi, avec quelques mois d'avance, le changement qui interviendra en URSS avec la dislocation de l'empire communiste. Tout un symbole.
Clip de la chanson Wind of Change sur YouTube.
Il est donc particulièrement savoureux de voir ce groupe se produire à la Fête de l'Huma en cette année 2014. Étonnant aussi que les organisateurs aient pensé à lui, alors même que leurs idées politiques sont si différentes. Voir Scorpions chanter Wind of Change au milieu d'une foule de sympathisants communistes constitue une sorte de pied de nez de l'histoire, un message subliminal à la foule comme pour lui dire que ses idées sont révolues et définitivement archaïques. Autrement dit, bonnes à illustrer les livres d'histoire avec la mention "nuit gravement à votre liberté". Est-ce que la foule a pu saisir ce message ? Beaucoup doivent en douter, surtout quand ils entendent à longueur de journée les dirigeants politiques vitupérer contre le ultralibéralisme et son cousin par alliance le capitalisme. Une raison de plus de croire qu'il y a grand besoin d'un nouveau vent de changement dans ce pays...
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[1] Depuis 1960. Avant cela, elle a été organisée à plusieurs endroits dont le Parc de Vincennes ou dans la ville de Montreuil.
[2] Liste non exhaustive. Une plus complète est disponible ici.
[3] On passera sous silence les éventuelles subventions perçues par l'organisation de l'événement.
[4] Le comte-rendu de la visite de J.-L. Mélenchon par le Magazine Le Point est disponible à ce lien.
[5] Pour voir à quoi cela ressemble, allez sur le compte Twitter du PCF.
[5] Pour voir à quoi cela ressemble, allez sur le compte Twitter du PCF.